samedi 8 août 2009

Un jour je ferai la connaissance de son amie...

Un jour je ferai la connaissance de son amie. Nous prendrons un verre d'ouzo dans le quartier, puis nous irons jusqu'à la mer avec sa mobylette. Elle perdra son sabot en route.

- J'ai perdu mon sabot ! me dira-t-elle en me montrant son pied nu.

Je descendrai de la mobylette et je chercherai son sabot sur la chaussée sans me préoccuper des voitures qui dévaleront à tombeau ouvert l'avenue Syngrou. Je le trouverai et je le remettrai à son pied. Nous irons dans une boîte qui s'appellera L'Amazone, en face de l'aéroport.

- Vous n'auriez pas vu ma femme par hasard ? me demandera Charles Carrier.

Il me serrera la main et s'éloignera vite. Nous boirons du gin. Nous nous assiérons par terre au milieu d'une rangée de plantes artificielles. Elle posera sa tête sur mon épaule. Je lui caresserai la poitrine. Je lui proposerai d'aller boire un café à l'aéroport.

- Tu crois que c'est ouvert à cette heure-ci ?

Elle aura du mal à se lever. Ses forces l'abandonneront alors que nous serons entrain de traverser le parking en plein air de l'aéroport. Je l'installerai au pied d'un arbuste rachitique. L'aéroport sera effectivement couvert, ainsi que le bar, mais il n'y aura personne dans les immenses salles d'attente qui sont généralement bondées. Un seul vol inscrit sur le panneau des arrivées, prévu pour quatre heures du matin, en provenance de New Dehli. Je sortirai avec les deux gobelets de café. La fille aura disparu. Une voix dira :

- Tu cherches la fille ?

Ce sera un soldat armé d'une mitrailleuse, dirigée vers le bas.

- Elle est partie, me dira-t-il.

Je viderai au pied de l'arbre l'un des cafés et je m'éloignerai en buvant l'autre. Je ne trouverai pas ma mobylette à l'endroit où nous l'aurions laissée. Un taxi passera à grande vitesse devant moi. À l'arrière du véhicule, j'apercevrai Véronique Carrier.

Vassilis Alexakis. La langue maternelle.