mercredi 6 mai 2009

JOIE DE VIVRE



Dès le matin, par mes grand-routes coutumières

Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.

Je vais je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
C’est fête et joie en ma poitrine ;
Que m’importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux… ;

Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent ;
Je me repose et je repars
Avec mon guide : le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles…

Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages ;
Mon âme humaine n’a point d’âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil.

J’aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse.
Et mes cheveux, amples et blonds
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l’espace entier pour en gonfler ma force…


Émile Verhaeren, Les Forces tumultueuses.